Nathalie Gibert : marche nordique technique et pédagogie, transmission, transformation et engagement

Introduction
Depuis plus de 16 ans, Nathalie Gibert insuffle à la marche nordique une dimension nouvelle. Coach exigeante, pédagogue inspirée et défenseuse acharnée d’une gestuelle pure, elle place l’humain au cœur de sa méthode. Dans cet entretien profond, elle partage sa vision d’une marche nordique technique et pédagogique, à la croisée de l’esthétique, de la conscience corporelle et de la transmission vivante. Plus qu’un sport, la marche nordique devient entre ses mains une discipline d’éveil, d’exigence et de transformation.
Une gestuelle comme signature : l’art du mouvement juste
Le respect du sport, au-delà d’une discipline
Ce qui anime Nathalie, ce n’est pas uniquement une activité physique. C’est le respect du sport dans ce qu’il implique, dans ce qu’il construit, dans ce qu’il offre. Quand elle transmet la marche nordique, elle ne défend pas juste une activité. Elle défend une intention, une posture, une gestuelle, une discipline à part entière.
En 16 années d’enseignement, elle a vu combien cette pratique exige de précision, de technique et de compréhension du mouvement. Elle rend hommage à tous les coachs — professionnels ou bénévoles — qui s’engagent à l’enseigner sérieusement. Pour transmettre cette gestuelle avec justesse, il faut être un vrai technicien.
Et si elle défend cette gestuelle, c’est aussi pour sa grâce. On célèbre la beauté d’un revers au tennis ou d’un swing au golf. Pourquoi pas celle d’un transfert fluide en marche nordique ? Elle mérite la même reconnaissance.
L’amplitude XXL : conscience du geste, clé de propulsion
Une notion centrale, au-delà du grand mouvement
Nathalie affectionne le terme amplitude XXL. Mais elle précise : il ne s’agit pas seulement d’allonger les bras ou les pas. C’est une posture verticale, une respiration ample, un regard ouvert, un centre engagé. C’est la signature globale du corps en mouvement.
Quand un pratiquant intègre pleinement ces paramètres — posture, souffle, coordination, propulsion —, c’est là qu’un déclic s’opère. Non, la marche nordique n’est pas qu’une question de vitesse. C’est un art du déplacement, une puissance tranquille.
Le rôle de l’analyse, levier de transformation
Pour ancrer durablement cette amplitude, Nathalie mobilise des outils pédagogiques puissants : analyse vidéo, feedback collectif, conscience corporelle. « Il faut oser se voir. Voir pourquoi on plafonne. Ce qui freine. Ce qui bloque l’engagement. »
Et souvent, un pratiquant pointe chez l’autre ce qu’il ne voit pas chez lui-même… jusqu’au moment où il se découvre à son tour. Ces révélations-là font toute la force de son enseignement.

Réveiller la conscience corporelle : pédagogie active
Sortir du geste automatique
Beaucoup de marcheurs sont enfermés dans un automatisme gestuel. Pour les en sortir, Nathalie privilégie les questions puissantes :
Sens-tu ton souffle s’alléger ?
Ta poitrine s’ouvrir ?
Tes bâtons t’aident-ils vraiment à avancer ?
Es-tu mobile ou engoncé dans tes épaules ?
Elle les laisse ressentir. Le corps donne ses réponses. Ensuite, l’image vient renforcer la prise de conscience. Pour elle, la pédagogie repose sur deux leviers :
👉 Questionner pour éveiller,
👉 Montrer pour conscientiser.
Préparation physique et geste : un duo indissociable
Pour Nathalie, on ne peut pas dissocier préparation physique et geste technique. Les deux s’enrichissent.
Renforcement et mobilité
Elle construit ses préparations autour de quatre blocs :
Tête et cou (qui conditionnent la posture),
Membres supérieurs (épaules, bras),
Tronc et centre du corps (abdominaux, gainage),
Membres inférieurs (cuisses, fessiers, pieds).
Elle adapte chaque exercice aux besoins du pratiquant, avec des outils variés (cerceaux, plots, fentes mobiles). « Chaque exercice a un sens, une fonction. Il ne s’agit pas de faire transpirer pour transpirer. Il s’agit de nourrir le geste. »
La propulsion : posture avant tout
La propulsion ne vient pas seulement des bâtons. Elle naît d’une posture forte, d’un centre tonique, d’un engagement global. « Un pratiquant voûté avec des jambes faibles ne pourra pas propulser, même avec la meilleure technique. »

L’apprenti marcheur nordique : une posture à part entière
L’importance d’un accompagnement progressif
Un nouveau pratiquant n’est pas un simple débutant, c’est un apprenti marcheur nordique. Il débute, mais surtout il apprend activement. Il est acteur de sa progression. Il doit d’abord ressentir, puis seulement structurer sa technique.
Tout commence par une coordination fluide, un redressement du corps, un lien bras-jambes rétabli. Ensuite vient le placement du bâton. Étape par étape. Sans pression. Ce qui démotive un débutant, ce n’est pas la technique, c’est une mauvaise pédagogie.
Le coach doit donc incarner une posture juste : pas une nounou, mais un guide attentif. Un coach de la conscience corporelle, pas un distributeur de mouvements.

RESET & ELITE : des stages transformateurs
Performer RESET – Niveau 1
Avant chaque stage, elle demande une vidéo de la pratique. Cela lui permet de proposer un accompagnement sur mesure. Le jour J, la matinée est dédiée au RESET technique : observation terrain, comparaison avec la vidéo, analyse.
Un atelier d’analyse en binôme prolonge la démarche, enrichi par la vidéo d’origine et ses retours. L’après-midi, chacun repart sur des bases techniques refondées. Et après le stage : vidéo avant/après, coaching individualisé, et guide RESET pour poursuivre en autonomie.
Performer ELITE
Un format plus avancé, centré sur l’image et la gestuelle. Chaque pratiquant est filmé, corrigé, guidé. L’objectif : ancrer une gestuelle fluide, efficace, élégante. « Car la beauté du geste, elle se cultive. Et elle mérite d’être valorisée. »

Le coach instructeur 4.0 : une mission nouvelle génération
Une posture de conscience et de transmission
Nathalie forme aujourd’hui les coachs à cette nouvelle posture. Le coach 4.0 est intègre, formé, humble, curieux. Il ne brille pas pour flatter son ego, mais pour faire briller ses pratiquants.
Le coach instructeur n’est pas là pour “animer une séance”, mais pour incarner ce qu’il transmet. Il n’est pas une nounou, mais un éclaireur, un modèle de cohérence. Il transmet, mais il apprend aussi.
Et elle insiste : « Moi-même, je continue à me former, à me remettre en question. Il n’y a pas de ligne d’arrivée dans la vie d’un coach. »
Méthode OTOP® : inspiration et transmission
Nathalie cite Roland Zède comme l’un de ses mentors. Sa méthode OTOP, l’inspire : une approche fine, puissante, qui engage tout le corps. Elle évoque notamment la coordination des ceintures — un concept technique transmis lors de l’Euro Nordic Walking à Albi — ainsi que des astuces corporelles très efficaces.
Elle aussi portée par Chantal Torressan et Yannick Sire, deux figures dont l’approche corporelle et la posture pédagogique résonnent avec sa vision. Elle intègre leurs apports, tout en gardant sa touche personnelle. « Je m’inspire, je digère, je transmets. »
Les doutes, les creux… et les renaissances
Les moments de bascule
Nathalie ne cache pas les passages à vide. Elle en a connu. Des phases de doute, de démotivation, de remise en question. Elle parle même de petites dépressions… salutaires.
Car à chaque fois, une nouvelle version d’elle-même a émergé. Plus créative, plus claire, plus engagée. « Ces moments-là m’ont forcée à évoluer. À sortir des schémas. Et à tout réinventer. »
Elle a aussi croisé des personnes malveillantes. Des imposteurs infiltrés. Elle ne les regrette pas : « Grâce à eux, j’ai affirmé ma posture. »
La compétition : entre moteur et dérive
Si Nathalie ne prépare pas à la compétition, elle en reconnaît la valeur : moteur de motivation, levier de reconnaissance.
Mais elle regrette certaines dérives : geste dénaturé, bâtons accessoires, recherche du chrono au détriment de la posture. Elle milite pour des critères de jugement élargis : amplitude, coordination, propulsion, esthétique.
Et si la beauté du geste devenait une valeur compétitive ? Un virage que la discipline pourrait — et devrait — emprunter.
Le carton jaune : un signal pour rebondir
Dans ses stages, elle a accompagné plusieurs compétiteurs sanctionnés par un carton jaune. Et pour eux, ce fut un tournant. Plutôt qu’un frein, un déclic.
Elle les a recentrés sur la gestuelle. Et certains ont fini par monter sur le podium… sans carton. Comme quoi, le bon geste est aussi un geste gagnant.

Conclusion : une marche consciente, un engagement intérieur
Au fil de l’entretien, une conviction se dégage : la marche nordique technique et pédagogique est un chemin de transformation. Chaque geste est une décision. Chaque posture est un reflet de soi.
Transmettre cette discipline, c’est œuvrer pour plus qu’un sport. C’est éveiller le corps. Réconcilier mouvement et présence. Redonner au souffle, à l’ancrage et à l’amplitude leur juste place.
La marche nordique, dans les pas de Nathalie Gibert, devient un acte d’alignement intérieur. Et cela, ni le temps ni la mode ne peuvent l’altérer.