Sport et inclusion handicap au Croisic : Nathalie Wozniak au cœur de l’engagement

Un groupe mixte de personnes valides et en situation de handicap pose ensemble dans un gymnase au Croisic, illustrant l’esprit d’inclusion handicap sport Le Croisic dans un cadre collectif et bienveillant.

 Dans le cadre de cette interview, j’ai eu la chance de passer plusieurs demi-journées en immersion au sein du Centre Saint Jean de Dieu. Ces moments m’ont permis de découvrir de l’intérieur le travail de Nathalie Wozniak, mais aussi de créer très vite des liens de complicité avec plusieurs résidents : Pierre, Ludovic, Virginie, Manu, Abdou, Antoine, Vincent et bien d’autres encore. Ce sont ces rencontres, pleines de spontanéité et d’humanité, qui ont donné toute leur couleur à cet article.

« Quand on trouve l’adaptation, c’est génial. »

Depuis plus de vingt ans, Nathalie Wozniak fait du sport un levier d’épanouissement, d’autonomie et de lien social au sein du Centre Saint Jean de Dieu au Croisic. Éducatrice sportive passionnée, elle agit au quotidien pour favoriser l’inclusion des personnes en situation de handicap à travers le sport, un enjeu essentiel pour la ville du Croisic et ses structures associatives. Elle transmet bien plus que des techniques : une énergie communicative, une vision profondément humaine, et une volonté farouche d’ouvrir les portes de l’inclusion. Rencontre avec une femme de terrain, animée par le mouvement… sous toutes ses formes.

Cette philosophie d’action ne s’est pas imposée par hasard : elle prend racine dans un parcours de vie entièrement tourné vers l’humain et le partage.

Deux hommes en fauteuil roulant s’entraînent à la boxe dans une salle de sport au Croisic, illustrant concrètement l’inclusion handicap sport Le Croisic par la pratique d’un sport adapté.

Un parcours guidé par le sport, la rééducation et l’insertion sociale

Dès l’enfance, Nathalie Wozniak court, joue, lance, saute. Rien ne l’arrête. Issue d’une famille peu sportive mais dynamique, avec des parents qui aimaient les déplacements, les découvertes, et ne manquaient jamais une étape du Tour de France ou un match de Roland-Garros, elle découvre très tôt le plaisir du mouvement, au point de devenir « première en sport » à l’école. Elle est alors inscrite dans plusieurs disciplines : tennis, football, handball, volley… autant de terrains où elle apprend à se dépasser. C’est une émission télévisée qui lui offre sa première formation BAFA et une révélation : l’animation auprès d’adultes en situation de handicap. Elle n’en partira plus.

Elle enchaîne les expériences : IME, colonies, maison d’enfants de la DASS, éducatrice territoriale à Dainville où elle s’occupe d’environ 600 élèves de maternelle et de primaire et obtient son BEESAPT (Brevet d’État d’éducateur sportif, activités physiques pour tous), une formation centrée sur la conception et l’animation d’activités physiques accessibles à tous les publics. Elle y met en place classes de neige, skateparks, conseils des jeunes et les Foulées Dainvilloises, une course inclusive réunissant petits et grands autour du sport. Sportive multi-discipline (volley, escrime, boxe, vélo), elle s’installe ensuite dans la région de Saint-Nazaire. Après un poste à l’hôpital en rééducation fonctionnelle, elle valide son DEJEPS (Diplôme d’État de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport), spécialité perfectionnement sportif mention handicap physique et sensoriel. Elle rejoint enfin, en 2001, le Centre Saint Jean de Dieu du Croisic, où elle ne cesse depuis d’innover et de transmettre. Elle devient même pompier volontaire pendant plusieurs années après l’incendie qui marque le Centre.

Son parcours construit peu à peu une vision globale du handicap, qui se matérialise aujourd’hui dans un engagement quotidien auprès des résidents du Centre.
Un engagement qui s’exprime à travers une palette d’activités sportives adaptées, pensées pour s’ajuster aux besoins spécifiques de chacun.

Une personne en fauteuil roulant pratique la sarbacane avec l’aide d’un encadrant dans un gymnase. Cette scène illustre l’inclusion handicap sport Le Croisic à travers une activité adaptée et accessible.

Activités sportives adaptées : favoriser l'autonomie et la motricité au Croisic

Parmi les nombreuses activités proposées aux résidents, Nathalie met à disposition un large éventail de disciplines, toutes adaptées en fonction des capacités et objectifs de chacun. On y retrouve :

  • Boccia découverte, boccia compétition, boccia loisir ;
  • Remise en forme, musculation ;
  • Boxe, sarbacane ;
  • Tir à l’arc, tennis, tennis de table ;
  • Et même des sorties avec vélos porteurs pour favoriser le lien avec l’environnement extérieur.

Ces activités sont autant d’opportunités pour les résidents de se dépasser, de maintenir leur autonomie, de découvrir de nouvelles sensations, mais aussi de créer du lien entre eux et avec les encadrants.

Pour Nathalie, le sport a cette particularité unique : on ne peut pas tricher. « Quand on joue, si on perd, on perd. Il faut accepter l’échec, et c’est une vraie leçon de vie. Le sport, c’est aussi cela : apprendre à se poser, à se concentrer, à respecter l’autre et à reconnaître ses propres limites. »

Cette dynamique sportive ne s’arrête pas là : elle s’inscrit dans une véritable organisation transversale au sein du Centre.

Trois personnes participent à une séance de tir à l’arc en fauteuil roulant dans un gymnase au Croisic, illustrant l’inclusion handicap sport Le Croisic à travers une activité adaptée.

Une collaboration interdisciplinaire au service des résidents

Au quotidien, Nathalie travaille en parallèle mais en lien avec les autres professionnels du Centre : kinésithérapeutes, psychomotriciens, moniteurs-éducateurs, aides-soignants, infirmiers, médecins… Les frères de Saint-Jean de Dieu, également présents au sein de l’établissement, collaborent avec elle dans cet accompagnement global, apportant leur soutien humain et spirituel. Des staffs pluridisciplinaires permettent de croiser les regards sur les besoins des résidents. Elle participe aussi aux réunions de projet individuel et aux bilans annuels, où son point de vue sur l’évolution motrice et relationnelle des résidents est précieux.
L’été, certaines activités comme les séances sur la plage sont menées en coanimation avec les kinés et psychomotriciens, combinant mouvement, plaisir et stimulation cognitive. Pour l’avenir, en accord avec une orientation portée par la direction du Centre, elle souhaite développer des programmes spécifiques pour les personnes handicapées vieillissantes (PHV), en mettant l’accent sur des activités à visée ludique, telles que des jeux d’adresse comme la boccia.
Et parce qu’elle ne conçoit pas son action sans relais extérieurs, Nathalie s’appuie aussi sur le dynamisme des bénévoles.

Former pour mieux inclure : le rôle clé des bénévoles

Depuis plus de deux décennies, l’association Bol d’Air, fondée en 2000, accompagne les résidents du Centre Saint Jean de Dieu. Elle permet à des bénévoles de s’engager pour briser l’isolement social en complétant l’action des professionnels. Leur présence régulière donne lieu à de véritables moments de partage et d’échange humain.

Ce lien entre bénévoles et résidents se tisse au fil d’activités régulières, simples en apparence mais riches de sens, qui favorisent le dialogue et la confiance mutuelle. Chaque semaine, des activités variées sont proposées :

  • Promenades en fauteuil ;
    « Ce n’est pas juste une promenade. C’est un moment d’échange, de complicité. »
  • Ateliers créatifs ;
  • Sorties culturelles et pédagogiques ;
  • Participation à des événements locaux.

Deux fois par an, Nathalie organise une formation complète pour accueillir et sensibiliser les nouveaux bénévoles. Cette séance d’une heure aborde les spécificités du handicap, la prise en main des fauteuils (manuels et électriques), la conduite à tenir en cas de malaise, ainsi que des mises en situation concrètes. Le but : garantir une approche bienveillante, sécurisée et valorisante pour les résidents.

Ils partagent des tournois de pétanque ou des pique-niques avec les résidents, et deviennent parfois de véritables complices d’aventure. Les bénévoles consignent chaque sortie dans un cahier de liaison, permettant de suivre les ressentis, les échanges et de faire le lien avec les équipes du Centre.

L’été, la pêche à l’éperlan est un rituel très attendu. Organisée avec la complicité de bénévoles comme Marie-Françoise, cette sortie conviviale sur le port allie activité physique douce, tradition locale et lien social. Les poissons pêchés sont ensuite partagés avec les salariés, dans une ambiance chaleureuse et fédératrice.

👉 Pour en savoir plus ou rejoindre l’association : www.boldair-lecroisic.org

L’inclusion, c’est aussi ouvrir les portes du Centre à ceux qui viennent de l’extérieur.

Une femme utilise un appareil de musculation adapté dans une salle au Croisic, illustrant l’inclusion handicap sport Le Croisic à travers la pratique d’une activité physique individualisée.

Des passerelles vers l’extérieur

Parmi les nombreuses initiatives de valorisation, Nathalie évoque un projet qui lui tient particulièrement à cœur : celui des biographies rédigées par les résidents, avec l’assistance précieuse de Marie-Françoise. Véritables témoignages de vie, ces récits touchants et authentiques donnent la parole à ceux qu’on entend rarement. Nathalie souhaiterait qu’ils soient diffusés dans les CDI des collèges et lycées, afin d’éveiller la conscience des jeunes générations à la richesse des parcours en situation de handicap.

Ce souci de transmission s’inscrit dans une dynamique plus large d’ouverture vers l’extérieur, où chaque visite et chaque rencontre deviennent une opportunité de changer les regards. Nathalie organise régulièrement des journées d’accueil avec des établissements scolaires, des entreprises ou des institutions comme le Conseil départemental ou l’ARS. L’objectif est clair : sensibiliser, créer des expériences partagées et valoriser les échanges concrets.

Parmi les partenaires, l’école Saint-Goustan occupe une place particulière. Ce partenariat a permis à de jeunes élèves de découvrir le quotidien des résidents à travers des ateliers intergénérationnels et inclusifs : sport, jeux de coopération, activités sensorielles. D’abord intrigués, les enfants s’ouvrent peu à peu à la différence, apprenant à appréhender le handicap avec bienveillance et curiosité. Pour les résidents, ces moments représentent une source de reconnaissance et de valorisation.
Comme le résume si justement Nathalie : « Les enfants arrivent impressionnés, ils repartent transformés. »

Les résidents deviennent alors de véritables guides : ils initient les visiteurs aux parcours en fauteuil, animent des parties de boccia, participent à la création de fresques collaboratives ou encore partagent leurs savoir-faire lors d’ateliers cuisine. Leur rôle actif renforce leur sentiment d’utilité et leur visibilité auprès du grand public. Des projets comme la fresque avec le lycée La Mennais ou les ateliers Lego sont autant de moments d’échange et de fierté.

Dans cette dynamique inclusive, des liens ont également été tissés avec l’association Escalado du Croisic. Des rencontres sportives et artistiques ont vu le jour, comme lorsque Manuel, résident passionné de musique, a partagé ses talents de DJ. Ces moments de complicité se sont prolongés l’été dernier lors de retrouvailles informelles à la plage, renforçant l’esprit d’inclusion dans un cadre convivial.

« L’inclusion, c’est aussi quand un adolescent tend la main sans hésiter à un adulte en fauteuil. »

Cette volonté d’ouverture touche aussi d’autres sphères. Le Rotary Club, récemment accueilli au Centre, a participé à une rencontre amicale de boccia avec les résidents, découvrant ainsi une discipline paralympique exigeante dans une ambiance chaleureuse.

Autre exemple d’engagement pérenne : l’entreprise locale EXCEL, qui organise chaque année depuis près de dix ans une journée solidaire au Centre. Une quarantaine de salariés partagent ainsi des moments de jeu, de pique-nique et de randonnée avec les résidents. Leur implication ne s’arrête pas là : ils s’enquièrent chaque année du matériel nécessaire, permettant des dons concrets comme un rameur, une table de ping-pong ou une rampe de boccia. Une preuve que l’inclusion peut aussi passer par des gestes simples, mais essentiels.

Des participants, dont plusieurs en fauteuil roulant, jouent à la boccia dans une salle du Croisic, illustrant l’inclusion handicap sport Le Croisic par une activité ludique et accessible.

Des souvenirs marquants, des parcours inspirants

Nathalie se souvient du parcours de Christian, résident ayant participé à deux championnats de France de boccia. Ce sport paralympique est divisé en 4 catégories (BC1 à BC4) selon le niveau de handicap moteur :

 

  • BC1 : joueurs atteints de paralysie cérébrale sévère nécessitant une aide ;
  • BC2 : joueurs atteints de paralysie cérébrale, sans besoin d’assistance ;
  • BC3 : joueurs très lourdement handicapés utilisant une rampe et un assistant ;
  • BC4 : joueurs avec handicap moteur non lié à une paralysie cérébrale, sans assistance.

Christian, ancien joueur de pétanque, a terminé 3e au niveau national, après avoir battu la championne de France en titre.

D’autres résidents ont assisté aux Jeux Paralympiques, grâce à l’association Bol d’Air. Deux d’entre eux ont également eu la chance de se rendre au Stade de France pour assister à une épreuve de para-athlétisme, dans le cadre d’un projet solidaire mené par le lycée La Mennais de Guérande. Une initiative marquante, qui a permis à ces résidents de vivre un événement sportif de très haut niveau, dans une ambiance vibrante et inclusive. Un film retraçant cette aventure a même été réalisé et diffusé sur YouTube.

Autre moment fort : un raid nature organisé avec un collège et un lycée professionnel. Trois résidents ont participé à l’aventure avec des jeunes, partageant tentes, rires, efforts et émotions. Les jeunes avaient préalablement conçu et fabriqué des pouss-pouss dans leur lycée professionnel, permettant aux résidents de participer au raid sur des parcours adaptés. Cette collaboration technique et humaine a renforcé l’esprit d’équipe et créé des souvenirs inoubliables, mêlant solidarité, ingénierie et inclusion.

Un groupe mixte de personnes en situation de handicap et d'encadrants se réunit autour d’un entraînement de tennis en salle au Croisic, illustrant l’inclusion handicap sport Le Croisic.

Inclusion sportive et accessibilité : les ambitions pour le Croisic

Nathalie souhaite :

  • Aider les clubs locaux à mieux accueillir le handicap ;
  • Recenser les infrastructures sportives accessibles ;
  • Elle envisage également d’obtenir un créneau à la salle de musculation du Croisic, afin d’y accompagner les résidents dans un cadre différent et stimulant. Dans cette perspective, elle souhaite contacter prochainement le président du Stade Croisicais ainsi que de la section musculation pour les informer du projet et poser les bases d’une éventuelle collaboration.;
  • Intégrer certains résidents dans les cours de gymnastique volontaire ;
  • Pérenniser l’usage du Tiralo, et surtout maintenir les tapis d’accessibilité et les chemins aménagés jusqu’à fin octobre pour garantir un véritable accès à la baignade aux personnes à mobilité réduite du printemps jusqu’à la fin du mois de septembre ;

Le Tiralo, proposé l’été sur la plage Saint-Goustan, est un fauteuil tout-terrain conçu pour faciliter l’accès à la baignade aux personnes à mobilité réduite. Capable de rouler sur le sable et de flotter sur l’eau, il permet aux résidents, accompagnés d’un aidant, de profiter d’un moment de détente dans la mer en toute sécurité. Ce dispositif rend possible des instants de plaisir simples, mais essentiels, comme sentir l’eau sur sa peau ou entendre les vagues de près.

Elle salue également les initiatives déjà en place, notamment celle du Tennis Club Croisicais, où le professeur Pierre accueille régulièrement des résidents du Centre pour des séances adaptées, ainsi que celle du club de tir à l’arc du Croisic, qui intègre déjà deux résidents dans ses activités hebdomadaires. Ces démarches exemplaires montrent la voie à suivre pour une véritable inclusion par le sport.

« Mon souhait le plus cher, c’est que le sport ne soit plus vu comme une activité à part, mais comme un droit, un plaisir, un lien pour tous. »

Une énergie contagieuse, une inclusion incarnée

Nathalie Wozniak incarne avec sincérité l’esprit du Centre Saint Jean de Dieu : celui d’un lieu vivant, ouvert, où chaque personne – quelles que soient ses capacités – a une place, une voix, un potentiel à exprimer.
Elle sait aussi combien le milieu médico-social peut parfois trop protéger, « cocooner » ses résidents, au risque de freiner certaines prises d’autonomie. Pour elle, le sport offre un espace d’expression plus juste, plus direct, où chacun peut expérimenter l’effort, la joie, l’échec, le progrès.
À travers le sport, elle transmet bien plus que des gestes ou des règles : elle redonne confiance, ouvre des horizons, et crée du lien.
Et ça, ça devrait être pour tout le monde.

Conclusion

L’histoire de Nathalie Wozniak est bien plus qu’un parcours professionnel : c’est le récit d’une vocation, d’un engagement humain total, au service de ceux que la société oublie trop souvent. Par son énergie, sa créativité et sa détermination, elle transforme chaque activité sportive en opportunité de dépassement, chaque moment partagé en levier de confiance et d’émancipation.

Elle incarne une vision moderne de l’accompagnement : inclusive, transversale, joyeuse. Sa mission ne se limite pas à animer des séances : elle construit, jour après jour, les conditions d’une vie plus riche, plus libre, plus reliée pour des résidents aux parcours singuliers.

Dans un monde encore marqué par l’indifférence ou la peur de la différence, Nathalie nous rappelle que l’inclusion n’est pas un concept, mais une réalité vivante qui se cultive par l’action, l’écoute et la présence.

« Reconnaître le handicap chez l’autre, c’est aussi apprendre à reconnaître nos propres vulnérabilités, qu’elles soient visibles ou invisibles. En accueillant l’autre dans sa singularité, c’est notre humanité que nous accueillons. Car toute inclusion véritable commence par un regard lucide et bienveillant sur soi. »

📞 Les clubs de la presqu’île guérandaise qui souhaitent accueillir du public en situation de handicap peuvent contacter Nathalie Wozniak. Elle se tient à leur disposition au 02 40 62 60 22.

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