Ultimate frisbee en France : Yann Courtil, 20 ans de passion entre terrain, transmission et équipe de France

Champion d’Europe, père d’un international, témoin d’un sport en mutation : Yann Courtil incarne l’ultimate frisbee en France dans toutes ses dimensions. Rencontre avec un joueur pas comme les autres, passionné, engagé, et attaché aux valeurs profondes de son sport.
Aux origines de l’ultimate frisbee : un sport en pleine ascension
L’ultimate frisbee est né dans les années 60 aux États-Unis, sur les campus où le frisbee faisait fureur. Il débarque en Europe dans les années 80 et trouve peu à peu sa place. Aujourd’hui structuré par une fédération mondiale (WFDF), il s’appuie aussi sur des fédérations nationales et de véritables circuits de compétitions : championnats nationaux, continentaux et mondiaux.
En France, plus de 6000 licenciés répartis dans environ 130 clubs partagent cette passion en constante progression. L’ultimate frisbee en France gagne en visibilité, grâce à des clubs dynamiques et des figures engagées comme Yann Courtil.
Yann Courtil : joueur d’ultimate frisbee et ambassadeur du sport français
À 56 ans, Yann Courtil incarne l’ultimate frisbee avec simplicité et enthousiasme. Sa première licence, il la prend en 2001, à 33 ans, « pour me remettre un peu au sport ». Ce sera le début d’un véritable engagement.
C’est à Nantes, lors d’un championnat, que le déclic survient. Il assiste aussi à la première édition du tournoi de plage YESBUTNAU, créé par le club des Frisbeurs Nantais, et tout s’enchaîne. Il rejoint ce club historique pour y évoluer durant près de vingt ans.
Ce qui le séduit ? « L’ambiance, les valeurs – fair play, auto-arbitrage, mixité F/H et d’âge – mais aussi le sport lui-même, technique, physique, et profondément collectif. » Il aime rappeler que l’ultimate est probablement « le seul sport collectif où il faut être deux pour marquer un point ».
Et depuis une quinzaine d’années, il a même la fierté de représenter l’équipe de France dans sa catégorie d’âge, notamment en Grand Masters.
De Frisbeurs à Bacus : un parcours entre transmission et plaisir du jeu
Après avoir été l’un des piliers des Frisbeurs Nantais, Yann a rejoint il y a deux ans le club BACUS, basé à Bouaye. Ce club récent, plus « familial », regroupe beaucoup de juniors et leurs parents. Une autre ambiance, mais tout aussi passionnante.
Aujourd’hui, il ne se voit plus comme un espoir du club – « à mon âge, ce serait ambitieux », sourit-il – mais comme un transmetteur d’expérience. Il apporte à ses partenaires « du placement, du sens du jeu, de la technique », et l’envie de progresser.
BACUS évolue en championnat régional, avec deux entraînements par semaine. « Le plus important reste de prendre du plaisir ensemble. »
Championnat de France d’ultimate : immersion dans les divisions
Le championnat de France est organisé par surface (plage, gazon, salle) et catégorie (open, féminin, mixte). Il débute au niveau régional, avant d’accéder aux divisions N3, N2, puis N1.
« Dans chaque division, 12 équipes s’affrontent sur 2 ou 3 week-ends, avec 4 à 6 matchs. On passe ensuite aux matchs de classement jusqu’à la finale. Les meilleures montent, les moins bien classées descendent. »
Pour Yann, l’évolution du niveau est flagrante. « Le jeu a beaucoup progressé, même en régional. Mais la N1, c’est un autre monde : tous les joueurs et joueuses sont préparés physiquement, le jeu est plus rapide, spectaculaire, et exige un niveau technique bien supérieur. »
L’équipe de France ultimate reste pour lui une référence dans le développement du sport en France.
📣 Citation marquante :
« À ma connaissance, c’est le seul sport collectif où il faut être deux pour marquer un point. »

Une passion familiale : l’ultimate comme fil conducteur
Yann partage sa passion avec son fils, qui joue avec les Tchac en N1, club issu de la fusion entre Pornichet et Corsept, « de chaque côté de la Loire – Tchac côté de l’eau ».
« Mon fils est né avec un frisbee dans les mains. Aujourd’hui, on échange tout le temps autour du jeu. C’est moi qui l’ai initié au départ, mais c’est lui qui me conseille maintenant. »
Ils se retrouvent parfois sur un même terrain, et vivent ensemble leurs aventures internationales. « On se suit mutuellement, on débriefe, on s’encourage. Et on partage la même communauté amicale. »

L’international : entre engagement, émotions et fierté bleue
Parmi ses nombreux souvenirs, Yann évoque Dubaï, où il représentait la France en Grand Masters. « Nous étions réticents à cause des conditions sociales et environnementales. Mais on a vécu une semaine unique. On bat le Canada, ce qui n’était jamais arrivé ! On finit 4ᵉ, à deux doigts de la médaille. »
Il a également joué des mondiaux en club, sur sable comme sur gazon. « Aux États-Unis, c’est impressionnant. Ils placent plusieurs équipes en haut du classement. Le nombre de pratiquants est incomparable. »
Souvenirs marquants :
- 🏆 2013 : champion d’Europe sur plage à Calafell
- 🥇 2017 : titre européen U17 pour son fils remporté après une incroyable remontada
- 🥉 2018 : médaille de bronze U20 pour son fils au Canada
L’ultimate sans arbitre : un sport basé sur le respect et l’intelligence collective
L’ultimate repose sur un principe unique : l’auto-arbitrage. Chaque joueur doit connaître les règles. Les fautes sont appelées par les joueurs eux-mêmes. En cas de désaccord, on rejoue la passe précédente.
Des observers peuvent intervenir, mais leur rôle est uniquement consultatif.
Tactiquement, Yann apprécie la défense en zone, notamment en cas de vent. « Cela oblige l’adversaire à multiplier les passes, à ralentir le jeu. »
Rester performant après 50 ans : une routine adaptée
Avec deux entraînements hebdos, Yann continue de s’impliquer sans pression. Il admet ne pas être « un modèle » côté préparation physique, mais s’astreint à un peu de fractionné, renforcement, et « il serait bon de faire des étirements régulièrement aussi… »
Pas le temps pour d’autres sports, mais il s’est récemment mis au disc-golf, « juste pour le plaisir ».

Gazon, sable ou salle : les formats, une richesse pour l’ultimate frisbee en France
Yann aime autant l’outdoor que le beach, mais accroche moins avec l’indoor. En salle ou sur sable, les formats à 5 contre 5 offrent des rôles plus fluides.
« Les qualités essentielles restent les mêmes, mais la salle permet plus de variété dans les passes, grâce à l’absence de vent. »
Et pour lui, l’avenir de l’ultimate passe par la formation : « Les meilleurs aujourd’hui ont tous commencé très jeunes. »

Développement de l’ultimate frisbee en France : progrès et défis
Yann observe une dynamique positive : plus de jeunes, plus de clubs, et des équipes de France juniors excellentes.
L’éducation joue un rôle clé. « Le sport est connu en milieu scolaire, mais sa version compétitive et en club reste méconnue. La fédération progresse, mais il reste du chemin. »
La mixité avance également. « C’est un des rares sports à proposer des compétitions mixtes. Ce n’est pas rien. »
Pour un ultimate plus visible, plus accessible, plus inclusif
Yann aimerait voir l’ultimate plus accessible partout et surtout moins coûteux à haut niveau. « En France, les joueurs doivent financer entièrement leur participation en équipe nationale. Certains renoncent à postuler. Imaginez si c’était comme ça pour le foot… »
Quant à la visibilité, l’option olympique aurait pu être un tournant, mais les candidatures pour Paris et Los Angeles n’ont pas abouti. « Il faudrait peut-être adapter certaines règles pour rendre le sport plus télégénique, comme dans la ligue pro américaine. »
Son mot de la fin ? « Venez essayer. Il y a sûrement un club pas très loin. Vous y trouverez vite du plaisir… et une communauté accueillante. »
Conclusion : plus qu’un sport, un état d’esprit
L’ultimate, c’est bien plus que du disque lancé entre deux joueurs. C’est une communauté soudée, un esprit de respect, une école de valeurs, et parfois même… une histoire de famille.
Yann Courtil en est l’un des visages. Humble, impliqué, passionné, il incarne cette génération qui a vu le sport se structurer et grandir, sans jamais en trahir l’âme.
Alors, vous faites quoi ce week-end ? Il y a sûrement un frisbee qui vous attend près de chez vous. Et une équipe prête à vous accueillir avec le sourire.